Maarten van Heemskerck (1498-1574), un artiste actuel

Gepubliceerd op 12 november 2015 om 00:26

Voorstelling van "Les villes détruites de Maarten van Heemskerck", Institut national d'histoire de l'art Paris, 12 november, 2015, één dag voor de aanslagen in Parijs.

 

La Bibliothèque royale de Belgique gère un patrimoine d’une richesse exceptionnelle, constitué au cours des ans avec patience et expertise scientifique. Le résultat est une collection qui compte parmi les plus belles d’Europe.

Considérant comme essentiel que le public, et donc non seulement le monde scientifique, puisse accéder à ce patrimoine d’exception, la Bibliothèque royale collabore volontiers à des projets nationaux ou internationaux d’intérêt scientifique, surtout lorsqu’ils présentent une dimension supplémentaire,  une « plus-value ». En février 2015, la Kunsthalle de Bâle a organisé en partenariat avec la Bibliothèque royale, l’exposition “Patterns for (Re)cognition” où l’artiste belge Vincent Meesen a établi un dialogue entre l’histoire coloniale de la Belgique et les œuvres de l’artiste congolais Thela Tendu. Aujourd’hui, nous sommes heureux de pouvoir soutenir le projet “Les villes détruites de Maarten van Heemskerck. Images de ruines et conflits religieux dans les Pays-Bas au XVIe siècle” du Musée du Louvre et de l’Institut national d’histoire de l’art grâce à un partenariat avec ces deux institutions.  L’exposition se propose de présenter, pour la première fois à Paris, la série complète des Clades Judaeae Gentis de Maarten van Heemskerck, avec un choix précieux d’autres œuvres – principalement des estampes et des livres illustrés.

L’artiste néerlandais Maarten van Heemskerck, né Maerten van Veen, apprend le métier de peintre à Haarlem auprès de Cornelis Willemsz et de son disciple Jan van Scorel. En 1532, il se rend à Rome pour étudier les ruines antiques et l’art italien de la Renaissance. Quatre ans plus tard, il retourne s’établir à Haarlem, où il résidera et travaillera jusqu’à sa mort. Ce peintre de scènes bibliques, mythologiques et allégoriques est aussi un portraitiste très en vogue. Il dessine des centaines d’estampes, discipline qu’il est le premier à exercer de manière professionnelle dans les Pays-Bas septentrionaux. Il exécute des dessins détaillés qui sont ensuite gravés sur cuivre par des graveurs professionnels comme Philips Galle et dont la production et la diffusion sont coordonnées par un éditeur.

La suite “Clades Judaeae Gentis” de Maarten van Heemskerck - une suite relativement peu connue de 22 gravures par Philips Galle, publiées à Haarlem en 1569 -  a vu le jour dans une période de violence et de conflits religieux. Selon Eleonor Saunders, l’artiste aurait conçu “les jours de malheur du peuple juif” comme une réponse à l’iconoclasme des années 1560 et suivantes. Maarten van Heemskerck utilise à certains moments une langue universelle, conférant à une partie de ses œuvres non seulement une dimension esthétique, mais aussi une actualité et un intérêt, y compris pour le spectateur contemporain. Les Clades Judaeae Gentis en sont un exemple parlant. La suite représente les épisodes importants de la destruction des villes de l’Ancien Testament : “La prise d’Aï et la lapidation d’Achan”, “Lot et sa famille quittant la ville de Sodome”, “Samson détruisant le temple des Philistins”. Van Heemskerck nous offre des scènes vivantes de dévastations et de ruines. Ces dernières remplissent l’espace tandis que les hommes sont réduits à la taille de nains. Les villes (partiellement) détruites sont, comme nous le montre le dossier de presse, des villes de l’Ancien Testament, comme Babylone, Sodome, Jéricho, Jérusalem, mais ce sont aussi des villes des Pays-Bas, ensanglantées par les guerres de religion dans la seconde moitié du XVIe siècle. Les images de ruines et de temples pillés se réfèrent non seulement à l’iconoclasme, à la destruction massive de représentations de saints et autres objets d’art religieux, mais aussi à l’instabilité générale qui règne à cette époque.

Les récits de l’Ancien Testament offrent à Maarten van Heemskerck un prétexte pour inviter le spectateur à réfléchir aux événements qui se produisent à cette époque et aux grandes questions qui traversent l’histoire. Le frontispice où il s’est représenté lui-même est manifeste et n’a rien d’étonnant, vu le rôle des images dans les débats politiques, religieux et artistiques aux Pays-Bas dans les années de propagande religieuse et de propagande en général, et ce en particulier lors de la crise iconoclaste, le Beeldenstorm. Les ruines de Maarten van Heemskerck sont celles d’une ancienne civilisation - en apparence indestructible -, balayée par l’histoire, mais aussi celles d’un peuple, incapable de tirer les enseignements de ses erreurs passées. Les ruines des bâtiments, les scènes de destruction et l’incapacité de l’homme à faire face, ont une forte portée métaphorique, fruit certainement de la formation humaniste de l’artiste et des goûts de son époque, mais elles se prêtent également à des interprétations plus profondes, pouvant aussi concerner notre société. Une civilisation est fragile et peut facilement être balayée.

Aujourd’hui aussi, des villes sont détruites dans des conflits où des motifs religieux sont invoqués pour commettre le pire. La destruction de ruines antiques, appartenant au patrimoine mondial, a une portée métaphorique à la lumière de cette exposition. Lorsque, tout récemment, Daech fait exploser des prisonniers, attachés aux colonnes antiques de Palmyre, on comprend qu’il ne s’agit pas seulement de détruire des images de saints et autres objets d’art religieux, mais de détruire ce qui fait de l’homme un être humain. La haine effrénée et le fanatisme mènent non seulement à la torture et au meurtre, mais aussi à la destruction de l’histoire, de tout ce qui a trait à la civilisation et de l’héritage humain.

Ce sont des idées peu réjouissantes que je viens d’évoquer lors de cette soirée, mais je tenais à souligner combien des expositions sur des artistes du XVIe siècle et la recherche scientifique qui leur est consacrée, peuvent être pertinentes pour la réflexion critique sur notre monde actuel.